Contrainte et système

Alain CHABERT

Les KARELLIS LE 10.02.1996

I. – INTRODUCTION

TOINETTE (en médecin) Ce sont tous des ignorants, c’est du Poumon que vous êtes malades.*

ARGON : Du poumon ?

TOINETTE : Oui. Que sentez-vous?

ARGON : Je sens de temps en temps des douleurs de tête.

TOINETTE : Justement, le poumon.

ARGON : Il me semble parfois que j’ai un voile devant les yeux.

TOINETTE : Le poumon

ARGON : Je sens parfois des lassitudes par tous les membres.

TOINETTE : Le poumon.

ARGON : Et quelquefois, il me prend des douleurs dans le ventre, comme si c’étaient les coliques.

TOINETTE : Le poumon. Vous avez appétit à ce que vous mangez.

ARGON : Oui, Monsieur.

TOINETTE : Le poumon. Vous aimez à boire un peu de vin ?

ARGON : Oui, Monsieur.

TOINETTE : Le Poumon. Il vous prend un petit sommeil après le repas et vous êtes bien aise de dormir ?

ARGON : Oui, Monsieur.

TOINETTE : Le poumon, le poumon vous dis-je !

Molière- « Le Malade imaginaire ». Acte III, scène X

a- Cela blesse Jack

de penser

que Jill pense qu’il la blesse

en étant blessé

de penser

qu’elle pense qu’il la blesse

en la faisant se sentir coupable

de le blesser

en pensant (elle)

qu’il la blesse

en étant blessé (lui)

de penser

qu’elle pense qu’il la blesse

par ce fait que (da capo)

b) Je suis heureux que tu sois heureuse

Je suis malheureux que tu sois malheureuse

Jack est malheureux que Jill soit malheureuse

Jill est malheureuse que Jack soit malheureux

que Jill soit malheureuse que Jack soit malheureux

que Jill soit malheureuse

Jill est coupable d’être malheureuse

si Jack est malheureux que Jill soit malheureuse

Jack est coupable du fait que Jill soit malheureuse

parce qu’il sent qu’il devrait la rendre heureuse

Jill se sent coupable

du fait que Jack se sent coupable

du fait que Jill se sent coupable

du fait que Jack se sent coupable

(R.D. LAING- NOEUDS)

3) –

Je suis là de moi-même

(Un alcoolique anonyme)

4) –

La scène est sur la Canebière. .. Long travelling, la foule colorée, diversement. Effleurez seulement le port, là-bas, quelques scintillements. Et puis gros plan, deux personnages pagnolesques se jetant dans les bras l’un de l’autre, s’embrassant littéralement

– Mon psychiatre !

– Mon schizophrène !

La caméra tourne autour d’eux comme celle de Rivette dans « Le Pont du Nord » ou de Wenders, dans « Les Ailes du Désir » (Dr L.+ M.A.B. lobotomisé)

II.- DE LA DOUBLE-CONTRAINTE

Parler de contrainte systémique, c’est évidement évoquer la double-contrainte (double-bind) La description initiale est légèrement antérieure à l’article (initiatique) de 1956 « Toward a theory of schyzophrenia ». Dans une lettre à Norbert Wiener (cité par Lipset) il indique dès 1954, que la confusion des types logiques dont procède la schizophrénie est d’un type particulier. « Chaque fois que le message et le méta message contiennent des négatifs » précisant plus loin qu’il s’agit d’une expérience de punition à la suite d’une quelconque infraction, et de la punition de l’apprentissage qu’une punition succède à une infraction. Dans l’article de 1956, nous pourrions relever les 5 conditions pour une double-contrainte.

– Deux personnes ou plus. C’est « pour les besoins de l’exposé » qu’une d’elle est énoncée victime par Bateson (cf. R.Girard, etc.)

– Une expérience répétée (Et dès lors G.B. montre que tous les ingrédients ne sont plus nécessaires)

– Une injonction négative primaire qui intime à la victime

Ne fais pas ceci ou je te punirai

Si tu ne fais pas ceci, je te punirai

(Punition plus ou moins perte d’amour, haine, ou abandon impuissant)

– Un injonction négative secondaire de formalisation variable (« Ne me ressent pas comme l’agent de la punition », « Ne te soumets pas à mes interdictions »…)

– Une injonction négative tertiaire, qui est la punition pour toute tentative d’échapper à la situation (cette injonction est souvent implicite lorsque la « victime » est un enfant, mais elle peut être aussi appuyée sur des stratagèmes (promesse d’amour, de coalition)

QUELS SONT LES EFFETS DE LA DOUBLE-CONTRAINTE ?

Le sujet victime voit s’effondrer sa capacité de distinguer les types logiques, de façon ponctuelle ou habituelle. Le schizophrène notamment, va confondre le littéral et le métaphorique : utilisation de la métaphore privée sans les signaux indiquant qu’il s’agit bien d’une métaphore ; se mettre dans la peau d’un autre ou être « ailleurs » (disconfirmation) ; ignorer que ses propres réponses sont métaphoriques… En situation de double contrainte systématique, le sujet victime n’est plus en situation de décrypter les signaux qui précisent le sens d’un message (sens littéral, sexuel, agressif…) ; il peut alors suspecter un sens caché, obscur à tout message, ignorer tout sens possible autre que littéral, voire éliminer toute perception de message. Si Bateson montre l’acte possible issue d’une situation expérimentale de double-contrainte : ainsi de ce schizophrène hospitalisé s’agitant violemment après la visite de sa mère avec la séquence

* il l’embrasse

* elle se raidit

* il se retire

* elle « tu ne m’aimes plus »

* il rougit

* elle « n’aie pas peur de tes sentiments » Milton Erikson provoque, sous hypnose une hallucination coenesthésique : II induit d’abord une catalepsie d’une main puis dit « il n’y a aucun moyen pensable pour que votre main bouge, et pourtant, à mon signal, il faudra qu’elle bouge. »

III.- NIVEAUX DE LECTURES CONTRAIGNANTS

1) – LA CONTRAINTE CAUSALISTE LINEAIRE

Bien sur, vous l’aurez reconnu à l’oeuvre chez Molière. L’observateur causaliste-linéaire, découpe dans la réalité observée, une cause A et un effet B, tel que A——> B. La suppression de la cause est censée supprimer l’effet, en pathologie médicale provoque la guérison.

En apparence au moins, c’est le modèle le plus contraignant :

Tout étant affaire de causes, il convient de les traquer :

Cause unique, cause ultime, la causalité linéaire ignore le temps (donc l’histoire), suppose la réversibilité : Elle est déprimée parce que son mari la trompe ; il est dans la désinsertion totale parce qu’il se drogue ; nous souffrons parce qu’elle est bizarre ; il est fou parce que son chromosome, son génome, ses neurotransmetteurs …

Par exemple, les familles semblent souffrir d’une étrange maladie, le causalisme. Tout ce qui leur arrive s’explique par les vertus ineffables de l’un d’entre eux, en un mot « fou », mais souvent méchant, voire génialement terrifiant. Une place est à prendre, un seul peut y prétendre, qu’il n’y échappe point, le patient désigné ! Un système familial qui ne s’autorise qu’à cette exclusive lecture est évidement extrêmement contraint ; tout ce qui, du monde, semblerait apporter quelque nuance, quelque contradiction, quelque ouverture, est banni, éliminé, rejeté du perçu. Rappelons-nous ce schizophrène, que nous avons tous connu, parfaitement idiot et à qui sa famille attribuait la plus étrange des dominations, le plus fantastique des pouvoirs…

Mais le système soignant est, s’il était possible, encore plus friand de cette aliénation-là : Peut-être y penserons-nous lorsque, devant le surgissement inopiné d’irrationnel chez untel, évoqué par exemple en réunion, le choeur indisposé ou énamouré entonnera le « il est psychotique…! » ignorant alors Freud « L’ignorance est l’ignorance, nul droit de croire n’en saurait dériver ». Tous les systèmes causalistes linéaires sont extrêmement contraignants : Chercher à abolir la cause !

Ces deux là sont symbiotiques : Séparons-les !

Il est « accro » : A désintoxiquer !

Votre mari vous déprime : Divorcez !

Mais aussi : c’est une famille de sourds, une famille immigrée, adoptante …

quoique…

D’une part, cela nous amène à commencer à entrevoir des jeux de contraintes réciproques, circulaires, donc . Mais aussi, cela évoquera tout à l’heure un niveau beaucoup moins élémentaire de contraintes, celles qui seront liées à la notion d’identité et d’appartenance.

2) – CONTRAINTE ET CIRCULARITE

L’observateur causaliste-circulaire va s’intéresser à la communication entre les éléments d’un système. Il va plus ou moins volontairement s’aveugler sur chaque élément singulier. Il introduit alors une forme de temporalité particulière : C’est le temps de la répétition. Norbert Wiener invente cette lecture afin d’établir un modèle permettant de faire des prédictions. Pour qu’une conduite soit prédictive, il convient qu’elle soit répétitive. Un concept central nécessaire à cette lecture est la rétro-action négative. C’est-à -dire qu’une première approche du modèle est la réciprocité simple A <——> B ; pour que le modèle soit un peu plus circulaire il faut introduire un 3ième élément A B

C

Pour qu’il soit vraiment circulaire il faut le rendre plus complexe

Différence > 0 en A —> Différence > 0 en B

Différence < 0 en A ——> Différence < 0 en B

Différence > 0 en C

Différence < 0 en C

La contrainte est dans la récursivité. Le jeu de communication est sans fin, personne ne peut arrêter le jeu. Un couple est souvent lisible à ce niveau de contrainte, avec cet engouement pour les messages qui portent sur les messages. La description initiale du double- bind est une description circulaire, mais on peut élargir la description, le couple manipulateur-victime se démultiplier, le désigne-victime ayant acquis une excellente pratique du double-lien. Toute la famille semble contrainte de doublement contraindre : Chacun disqualifie son propre discours et ce que disent les autres ; Si quelqu’un affirme une opinion précise, cela n’aurait pas dû être dit, ou n’a pas été dit de la façon qu’il fallait. Personne ne se désigne responsable de ce qui finit par arriver ; toute alliance est niée ; tout blâme pour un échec est transféré de l’un à l’autre (J. HALEY).

Mara SELVINI (Jeux psychotiques dans la famille) décrit circulairement ces interactions avec la métaphore des Jeux (Game – Giocchi) sous le terme d’Imbroglio, avec la manoeuvre centrale d’Instigation. Jeux… Règle du Jeu… La contrainte est là ! SELVINI dit « le Pouvoir » et énonce une règle organisatrice : le refus de définir la relation, pimentée d’une compétition farouche et farouchement cachée pour le pouvoir.

3) – LA CONTRAINTE HOMEOSTATIOUE

Examinons maintenant ce qui se passe si nous introduisons dans notre description un temps irréversible, non circulaire. Ce qui a frappé les premiers observateurs familiaux, c’est l’homéostasie : notion qui, extrapolée à partir du biologique, montre une certaine constance du milieu familial : Les interactions familiales, vues en un système unitaire d’information, semblent organisées de telle sorte que, chaque variation comportementale soit utile au maintien constant du système global, y compris donc le symptôme ou l’instigation.

C’est, entre autre, le fondement de la connotation positive. Alors, on peut raconter l’histoire suivante :

Cronos voudrait que l’on changeât, que les enfants grandissent, que les couples vieillissent, que, de puberté en méno ou andro-pause, on se sépare de soi ou des autres, que des proches naissent et meurent, que sa fonction sociale évolue. Et puis, fragilités… Faire comme si on ne devait pas changer ; oublier pourquoi faire comme si ; oublier enfin le comme si. Vouloir que «Tout change pour que rien ne change» (Le Guépard, Visconti), éventuellement. Ritournelles étemelles des famillles… ou des institutions : Voyez comment se maintiennent les symptômes… Mais les lunettes homéostatiques contraignent l’observateur à faire lui-même comme si le temps était circulaire, répétitif, à ne pas voir les indices de changement peut-être déjà là dans cette famille, cette institution, à vouloir introduire la crise dans le système observé. Celui-ci est-il homéostatique ou est-il aveugle à son propre changement ? Autrement dit, peut-il se percevoir comme un système fermé, a l’équilibre, ou comme un système ouvert, hors de l’équilibre, avec des fluctuations, des bifurcations possibles ? Les lunettes homéostasie/changement introduisent la notion de Destin. Ce qui s’impose à nous. Ce qui s’impose au système observé, ce qui s’impose à l’observation du système observant : II y aurait une organisation cachée qui commanderait notre (leur) vie, notre (leur) destinée, cette croyance va prendre des figures diverses : Dieu évidement, mais aussi la Patrie, ou le Génome,, ou la Structure Psychique. C’est une création du collectif qui signe sa prévalence. L’appartenance au groupe suppose que l’individu s’y soumette. Oedipe s’essaie à une autonomie mais finit par accepter la loi du Destin. Il y a donc toujours en même temps l’inéluctable de l’Oedipe (Destin-Oedipe) et la lutte constante à laquelle l’homme est contraint pour préserver son humanité. Pour l’individu, la croyance en un Destin implique une soumission à une autorité extérieure, à la vox populi, au collectif, donc la non différenciation. La question de la psychothérapie individuelle ou de la psychanalyse peut être alors celle de l’accession « à l’impossibilité de croire au Destin et l’impossibilité de ne pas y croire au moins un peu… » (R. NEUBURGER) Pour une famille, il semble que la croyance en un Destin – qui s’organise en un mythe – soutienne le sentiment d’appartenance et donc la différenciation avec les autres groupes (familiaux ou institutionnels). C’est au moment d’un sentiment d’attaque contre son Destin qu’elle va être contrainte à la désignation d’un de ses membres, dont les effets vont tenter de reconstituer ce Destin en retour (exemple de cette famille de Mara Selvini d’Italie du Sud, transplantée au Nord -dans Paradoxe et Contre paradoxe Les Cassanti) Dès lors l’observateur homéostasie/changement va être confronté au paradoxe suivant : ce n’est que s’il reconnaît pour ce groupe familial, mais aussi ailleurs institutionnel, un Destin collectif, que ce groupe va pouvoir affronter une crise… Cette empreinte du collectif nous incite encore une fois à changer de lunettes.

4.- CONTRAINTE IDENTAIRE

Quand les biologistes MATURANA et VARELA regardent une cellule, ils voient la vie qui s’y déroule comme auto organisation. C’est cette auto organisation qui définit l’identité de la cellule, par interactions entre des « mondes d’éléments de types logiques différents » (par exemple réactions chimiques, fonctions et échanges). Ces interactions différencient un dehors et un dedans. La vie est alors la capacité de créer ou de maintenir une différence, une homogénéité. Par analogie, en suivant R. NEUBURGER, nous allons voir, lire, un système vivant à travers une identité. Un tel système est alors un groupe d’appartenance, demandant à ses membres une solidarité et en échange leur offrant une identité groupale (Freud : « Narcissisme des petites différences « Moïse et le monothéisme, cité par R. Neuburger).

L’identité de ce système, de ce groupe d’appartenance, est ainsi faite de l’interaction d’un pôle Mythique, c’est-à-dire une croyance en des spécificités (croyance à base irrationnelle), et d’un pôle Rituel, c’est-à-dire des conduites organisées, répétitives qui régissent l’entrée ou le maintien dans le groupe d’appartenance. Un tel groupe est une famille, une nation, une église. Vous voyez- vous pouvez voir- pour chacun d’eux, la danse (M. ELKAIM) entre la croyance en une /des spécificités et les conduites répétitives organisées, (exemple : Baptême, défilé du 14 juillet, messe des morts). Mais pour l’individu, il est en fait question d’une croisée d’appartenances diverses (l’autonomie dans cette optique est l’intersection de plusieurs dépendances). Pour D.DUCLOS, la civilité est un jeu subtil avec le besoin d’identité ; identité comme image simplifiant le monde, délimitant dedans et dehors, étranger et familier, donnant « l’illusion d’être uniques, continus, autorégulés » L’irrationnel de la croyance d’un groupe vivant, d’un système humain est sa richesse et sa faiblesse (son point de dégradation de la civilité). Il y a une complaisance relative dans la croyance, on n’y croit pas tout à fait ; mais la conviction se cache ou se montre facilement, devient alors véritable tache aveugle. L’observateur auto organisant/organisé voit alors une famille, une nation, une église, éliminant radicalement toute alternative, éliminant les intersections avec d’autres groupes d’appartenance ; il y rattache le symptôme suivant : désignation d’un bouc émissaire (R.GIRARD), essentiellement par exagération de la menace extérieure par la «maîtrise forcenée des passages, l’épurement des catégories» (DUCLOS). le symptôme – un schizophrène par exemple, accentue le brouillard autour de sa famille, la rend moins lisible, plus protégée d’un monde extérieur banalisant. Mais aussi nos systèmes humains nous apparaissent terriblement contraints, par la société libérale avancée, à effacer leurs différences. Pour Duclos, un symptôme de l’affaissement identitaire familial est : 12 % d’enfants américains victimes d’inceste. Que dire alors de la réinjection dans des microsystèmes de la contrainte identitaire par exacerbation de la frontière (la secte)

IV.- DU MODELE DE LA CONTRAINTE A LA CONTRAINTE DU MODELE

Ce à quoi nous amène (nous ramène peut-être) cette histoire, c’est à une notion développée par BATESON sous la forme : intérêt de la vision binoculaire. Ainsi la métaphore « Si je ne vois pas que je suis aveugle, je suis aveugle ; mais si je vois que je suis aveugle, je vois. » (Von Foerster) Notre façon d’entrer en rapport avec le monde, c’est de construire une réalité, ce que nous croyons connaître, savoir, nous le construisons avec un ou des modèles, (des grilles de lecture, si vous voulez) qui préexistent à cette rencontre. Dans cette rencontre particulière qu’est la rencontre thérapeutique, intéressons nous d’abord un instant à ce qui se passe dans lé sous-système « thérapeute » : Le modèle qu’il privilégie va lui permettre de construire une réalité de son client (individu, couple, famille, système plus large)… ou bien (souvent) va le contraindre à en fabriquer une lecture unique et à ajuster à cette lecture ses interventions. De nos 4 observateurs thérapeutes,, le linéaire qui cherche la cause pour la réduire, le circulaire qui déjoue en les déroulant les pièges de la communication, le systémique qui est ébloui par l’homéostasie et provoque la crise, l’auto organisationiste (excusez le néologisme) qui perçoit la sensibilité d’un groupe à ses frontières et vise à le reconnaître dans sa recherche spontanée d’une capacité d’exister ; aucun n’a tort … tout à fait, ni tout à fait raison.

R. QUENEAU dirait « Ça dépend ». ça dépend du point de vue. La contrainte est dans le point de vue unique et dans l’aveuglement des points de vue alternatifs.

Passons dans l’autre sous-système de la rencontre thérapeutique, par exemple la famille. La contrainte qui semble s’exercer en son sein est celle d’une lecture unique du monde, ou de lectures impossibles ou interdites ; telle ne perçoit pas la circularité des échanges, chacun ne pouvant être que cause ou effet dans une interaction ; telle autre est sourde aux bruits de changements, ou murmure- un peu dissonant- des évolutions ; certaine au contraire ne peut rien décider de concret, sa vie courante, son utilisation des objets se rapprochant de Jacques TATI ; une enfin, est aveugle à sa propre existence, ne pourrait s’attribuer ni défauts, ni qualités, ne peut rien apporter à ses membres…

V.- POUR CONCLURE ?

Je voudrais simplement insister sur la nécessité (la contrainte éthique ? l’impératif catégorique ?) de substituer une éthique de choix à une éthique de changement, dans notre activité thérapeutique ; la nécessité et en même temps l’extrême difficulté de le faire habituellement, en fonction notamment de l’ensemble des contraintes et doubles contraintes qui pèsent sur nous, ou plutôt que nous voyons peser sur nous, puisqu’elles sont aussi le reflet des modèles contraignants que nous possédons, ou qui nous possèdent…

* M. VON FOERSTER « Agir en sorte d’augmenter le nombre des choix possibles » !

BIBLIOGRAPHIE

R.NEUBURGER L’irrationnel dans les couples et la famille

R. NEUBURGER Le mythe familial.

Y.REY- B. PRIEUR Systèmes, Ethique, Perspectives en thérapie familiale

J.C. BENOIT Les doubles liens

Denis DUCLOS De la civilité

Ronald LAING Nœuds

MOLIERE Le Malade Imaginaire

Grégory BATESON Vers une écologie de l’esprit

Mara SELVINI Les jeux psychotiques dans la famille

Lynn SEGAL Le rêve de la réalité

Ouvrage Collectif L’invention de la réalité (articles de Von FOERSTER, Von GLAZERSFELD

Mary ELKAÎM Thérapie familiale en changement

(notamment : Maturana; Varela ; I. Stengers)

F. VARELA Connaître, les sciences cognitives

J.C. BENOIT Patients, familles et soignants.