Qu’est-ce que l’Humain

QU’EST-CE QUE L’HUMAIN ?

Nous allons partir d’une polémique/ un débat presque franco-français – je dis presque parce que le pape et des imans s’en sont mêlés.

C’est celle / celui autour du projet de Loi dit « mariage pour tous ». Certains contempteurs du projet, non des moindres (hauts représentants de la hiérarchie catholique, ou du parti politique exerçant précédemment les responsabilités gouvernementales, grands psychanalystes…) ont en effet énoncé qu’avec ce texte, un pas en dehors de l’humanité allait se faire, que l’espèce humaine était en péril, et même, allons-y sans crainte, que cela pouvait même préfigurer des unions inter-espèces ! Bigre ! L’homo (l’homme) est, et nous allons y revenir tout à l’heure, sapiens et demens pour Edgar Morin, mais là, demens semble s’affranchir brutalement de sapiens !

Alors, faisons d’abord un sort au premier étage de critique : l’étage éducatif. Seule, la conjonction éducative d’un homme (1 mâle !) et d’une femme, pourrait éduquer un infans pour en faire 1 garçon ou 1 fille présentable en société ! Point n’est besoin d’être d’une grande expérience en science de l’histoire de la famille et/ou en thérapie familiale, pour savoir que cet argument est parfaitement idiot : les enfants peuvent être élevés bien ou mal – généralement plutôt mal, mais passons – par un, deux ou plusieurs personnes, de l’un, de l’autre sexe, ou des deux. Et cela n’a même pas une réelle influence sur le choix sexuel futur de l’éduqué.

L’étage suivant de la critique est plus subtil. C’est la question de l’inscription filiative d’un enfant. Rappelons les 2 grandes fonctions parentales : nourrissage (au sens large, bien sur) et filiation.

Or jusqu’ici, un enfant, entré dans une famille par voie d’accouchement ou d’adoption, s’inscrit dans une double filiation, branche maternelle et branche paternelle, ce qui renvoie à la constitution de l’humanité par les règles d’alliance et d’échange (ainsi nommé par C Lévi-Strauss : « échange des femmes »). Remarquons tout de suite que ceci comporte des exceptions, par défaut (enfant né de père inconnu), ou par excès (en certains territoires, l’adoption plénière, « à la française », n’est pas la règle, l’enfant bénéficiant d’une double – quadruple, en fait – filiation, dans la famille adoptante et dans la famille biologique. L’adoption « à la française » est d’ailleurs en train d’évoluer, puisqu’il n’est pas rare, notamment avec l’adoption d’enfants venus de contrées lointaines, qu’il y ait au minimum filiation imaginée avec les racines biologiques, mais aussi rencontre réelle, et donc inscription filiative dans la famille biologique).

L’inscription filiative, c’est toute une parentèle, des frères et des sœurs, des grands-parents, arrière GP, des oncles, tantes, grands oncles et tantes, neveux, nièces, cousins, et aussi ancêtres, le tout des deux sexes, évidemment !

A Rome, avant les changements du II° siècle, l’enfant était inscrit dans la filiation paternelle, si c’était un fils de patricien. Mais, admettons qu’un patricien ait eu un enfant avec une affranchie (pauvre, non patricienne, non esclave), et bien, l’enfant pouvait le connaitre, il subvenait à quelques besoins, mais ne l’inscrivait pas dans sa filiation. Ce même patricien pouvait inscrire dans sa filiation un enfant, ou un adulte, qui devenait alors son fils, bousculant même l’ordre des générations, puisque ce pouvait être un petit fils !

L’union de deux individus de même sexe, dont procéderait l’inscription filiative d’un enfant, sera alors une simple variante de ces filiations diverses que l’histoire de la famille a inventé.

Le troisième étage est certes plus sérieux, et c’est celui qui fera lien (ainsi que les déclarations susdites de l’archevêque et de l’iman) avec le thème de notre année.

On admet qu’on a adoption, PMA, et que, pour des questions d’égalité, ou du principe d’égalité, est envisagée la légalisation de la grossesse pour autrui.

On jouxte ici, et la question s’incluse alors dans un ensemble plus vaste, les ouvertures biotechnologiques : insémination artificielles, fécondation in vitro, prêt d’utérus ou ventre de substitution, donneur de sperme, congélation d’un embryon ou de sperme permettant de jouer avec la naissance d’un enfant, préparation hormonale d’une femme ménopausée, implantation de la moitié d’un embryon après fécondation in vitro et ré implantation de l’autre moitié plusieurs années après…

Toutes ces techniques sont techniquement possibles, certaines d’utilisation courante, d’autres paraissant plus SF, évidemment. Il n’ya pas d’exemple dans l’histoire de l’humanité de technologie, et donc de biotechnologie, qui n’aient pas été utilisés, des lors qu’elles existaient. Il y a une nuance à cela, j’y reviendrai.

Toutes ces technologies ont en commun de séparer radicalement, plus ou moins, procréation et sexualité.

Mais elles laissent l’espèce humaine parmi les espèces où l’engendrement est sexuel, c.à.d. qu’un être nait de l’union nécessaire de deux gamètes différentes, qu’il est donc biologiquement issu de deux géniteurs de sexe différents, et qu’il est différent de chacun d’eux : le même ne peut pas engendrer le même ; l’altérité est au fondement de l’espèce.

Au plan biologique, il y a obligation d’altérité, et la culture, qui naitra de la nécessité de l’alliance et de l’échange, prolongera la biologie.
Faisons un peu de SF : Imaginons un monde où la procréation, qui reste sexuelle (union de gamètes de sexe différent), se passe dans des « usines-ventres » produisant des bébés, attribués ensuite à des humains tenus dans l’ignorance totale de ce mécanisme, et ayant oublié au bout d’un certain temps cette procréation sexuelle. Tout se passerait alors cognitivement comme s’il s’agissait de clonage. Mais on voit que c’est évitable si la connaissance du mécanisme de procréation est maintenue, non tenue secrète, dans chaque cas.

Ressortons de la SF : peut-être convient-il, en contrepoint des nouvelles procréations et filiations, dont la filiation homoparentale, de lever le secret des origines des gamètes, non au nom d’un prétendu « droit à savoir » pour un individu, mais pour l’espèce humaine ! (voir à ce sujet, l’article de Monique Pelletier dans Libération de 31/12/12).

Au-delà, en effet, c’est la question du clonage humain. Nous avons un peu de temps, ce n’est pas encore techniquement possible. Mais peut-être le sera-ce ?

Je reprends la nuance que j’ai évoquée plus haut : l’humanité, après les « essais » de Hiroshima et Nagasaki, s’est retenue d’utiliser la technologie nucléaire dans sa destructivité totale. Viennent les mots : « équilibre de la peur », ils sont important (voir plus loin).

Avancer le mot « clonage humain » nous amène, aporie de « qu’est-ce que l’humain ? » à la question des frontières de l’humain.

Les mythologies, tant des sociétés sans écriture, que du monde grec (Lévi-Strauss, Vernant), nous disent qu’il convient de distinguer (et c’est très important de distinguer : « tout classement est supérieur au chaos » dit Lévi-Strauss) les hommes, des dieux et des animaux.

L’homme entre en rapport avec les dieux, par le sacrifice d’un animal.

Les dieux sont auto-suffisant et immortels ; les hommes sont mortels, mangent cuit les animaux et les sacrifient aux dieux ; les animaux sont mortels, mangent cru, sont mangés par les hommes et sacrifiés aux dieux.

A partir de la mythologie, la philosophie, les religions, puis la science, vont s’efforcer de tracer des frontières, de les soutenir, et de faire, de ce qui a été séparé, des essences.

C’est du côté de l’animalité que la frontière a fait le plus débat (mais on pourrait s’intéresser aussi à la frontière humanité / déité : on y trouverait les demi-dieux des grecs, le Pharaon qui accède à la déité, Jésus et son engendrement…).

Dans un roman de 1952, « les animaux dénaturés », Vercors imagine la découverte d’une peuplade, les Tropis, chainon manquant entre primates supérieurs et hommes. Sont-ce des hommes, ou des animaux ? La question est d’importance, car, dans un cas (l’esclavage a été aboli), on peut les utiliser, dans l’autre non. (De l’esclavage au contrat de travail, le capitalisme peut, ou non, se jouer es frontières de l’humain)

Une frontière nette est la possibilité ou non d’une inter fécondation, puisque l’espèce humaine n’est pas inter fécondable avec les autres, primates supérieurs compris.

Or, voici que ces « Tropis », (paranthropus Greamiensis), sont inter fécondables avec singes et hommes ! 

Un personnage (Douglas), va faire féconder une femelle Tropi par son sperme, et tuer ce fils biologique ; il va donc passer en jugement où la réponse à la question « les tropis sont-ils des hommes ? » devient obligatoire, malgré le paradoxe sorite que cela entraine.

Vercors fait des hommes des « animaux dénaturés », donnant comme caractéristique principale Religion et Rituel.

Darwin a porté un coup fatal à la notion de frontière infranchissable. Pat Buchanan, candidat républicain à la Maison Blanche en 1996 : « Libre à vous de penser que vous descendez du singe ; pour ma part, je suis convaincu d’être une créature de Dieu »

La biologie s’est révélée incertaine pour cette frontière ; il a fallu en revenir à l’anthropologie culturelle, donc au logos, à la symbolisation.

Mais, là aussi, des spécialistes d’éthologie animale (Vinciane Despret, par ex.), viennent nous dire que nous pourrions « penser comme un rat », et que diverses espèces semblent avoir accès à des domaines symboliques. (Et pensons au mythes de Tarzan, de Mowgli, de l’enfant sauvage…)

Edgar Morin va préciser que l’homme ressemble surtout au fœtus de l’anthropoïde (absence de pigmentation à la naissance même pour les hommes pigmentés, réduction de pilosité, grosse tête…)

« La féodalisation, qui transforme l’anthropoïde en homme, en fait donc un être indéterminé, fort peu éloigné de la forme type de ses ancêtres. Elle en fait un être général, cette indétermination se traduisant par une non spécialisation juvénile, un fœtus adulte ignorant le savoir de l’espèce, c.à.d. ignorant l’adaptation préétablie. »

Et « L’enfant – homme, plus nu qu’un ver, est l’être le plus déshérité de la nature… Il doit apprendre, non seulement ce qui est proprement humain (langage, comportements sociaux), mais aussi l’acquis inné chez l’animal (marcher, nager, s’accoupler, accoucher, etc.) ».

Mais il faut ajouter, maintenant, une autre frontière, qui était suggéré par la question des biotechnologies : après les dieux et les animaux, les clones et les robots !

Dans la série d’ouvrages d’Isaac Asimov consacrés aux robots (Les cavernes d’acier, Face aux feux du soleil, Les robots de l’aube, Les robots et l’empire), il met en scène des robots et des hommes, dans différents contextes sociaux. Ces différents contextes explorent ce que cherche Oriza Hiraka, auteur de théâtre japonais (il met en scène, à Paris, une version des Trois sœurs, de Tchekhov, en y ajoutant un personnage, un robot dont le rôle est joué par un robot) : « Nous cherchons à le confronter à l’humain, car la question qui importe n’est pas qu’est-ce que le robot, mais qu’est-ce que l’homme ».

Les différents contextes d’Asimov, montrent répulsion, utilisation, rapprochement. L’inquiétante étrangeté est souvent présente pour le lecteur, au-delà des jeux symboliques à propos des « règles de la robotique ».

Hiraka nous montre aussi un Japon où les robots commencent à être présents parmi les hommes, où les frontières robots / humains ne sont pas aussi claire qu’en occident. Il nous parle d’un chercheur, Hiroshi Ishiguro, dont les travaux portent sur comment le robot peut se couler dans le monde humain ? Et bien, son apparence doit se rapprocher de celle de l’homme (par ex en gardant les micromouvements inutiles que nous faisons en accomplissant une tâche), mais jusqu’à un certain point au de delà duquel le malaise, l’inquiétante étrangeté augmente à nouveau.

La fabrique du robot est une mise en scène du mythe prométhéen (Prométhée a « fait » les hommes, avant de leur donner le feu), mais une mise en œuvre inversée : l’homme fabrique une sorte de dieu grec immortel (cf. R. Daneel dans Terre et Fondation, qui clôt les deux cycles de Asimov, celui des robots et celui de Fondation…)

Remarquons que nous avons déjà incorporé en nous des éléments artificiels, au sein même de nos corps. On pourrait dire, que nous sommes déjà en partie cyber-humains (cyborgs, bioniques..).

Une autre voie prométhéenne est celle de la biotechnologie. La technique et son développement ont largement précédé la science, depuis l’aube de l’humanité. Puis, la pensée scientifique et expérimentale s’est développée à partir des échecs de la pensée technique, et a permis à la technologie (le mot est du XVII° siècle) d’augmenter ses capacités.

Et, maintenant, la technologie « guidée par la science » va pouvoir s’emparer des mécanismes fondamentaux de la vie : transformer le milieu, réparer l’organisme, augmenter la durée de vie, les performances du corps…et maitriser la descendance. L’ingénierie génétique permet de fabriquer insuline, hormone de croissance, vaccins.

Associée à l’informatique, les possibilités semblent immenses (potentialités ou risques ?).

Un certain nombre de penseurs se sont inquiétés de ces perspectives, autour, bien sûr, de la question du clonage, à partir de la brebis Dolly.

Fukuyama : « Les biotechnologies peuvent nous transporter dans l’étape post-humaine de notre histoire. » Pour lui l’être humain va changer les conditions de sa propre vie et va franchir une limite. (La fin de l’homme Ed la table ronde 2002)

On peut citer aussi Hans Jonas (Le principe responsabilité, une éthique pour la civilisation technologique Ed du cerf 1990), qui nous alerte sur l’irréversibilité du geste consistant à toucher au génome humain ; ou Léon Kass (The ethics of human cloning Washington 1998).

Venons-en maintenant à Sloterijk, qui évoque les techniques de fabrication de l’humain, les frontières franchies par les perspectives du clonage, et les limites à imposer aux biotechnologies.

D’abord, l’homme n’a pas de « nature », il a toujours été « fabriqué ». Par ex. : manières de table, positions du corps, règles de maintien, etc. Mais les biotechnologies permettent de changer d’échelle : on ne change plus le comportement de l’humain, mais l’humain lui-même, et Sloterdijk valorise la peur de ce saut qualitatif. Pour lui, c’est une 4° crise de l’humanité, après Copernic, Darwin et Freud ; la technique, produite par l’humain, lui échappe et le prend en otage.

Sloterdijk dénonce dans l’humanisme traditionnel une impuissance fondée sur la définition même d’un homme capable de maitrise. Cette maitrise conduit d’une part au biopouvoir (cf. Michel Foucault), et, d’autre part, aux monstruosités post-humaines. Le XX° siècle, ses génocides et sa « solution finale » n’ont-ils pas été comme une avant-garde ?).

Donnons-nous un peu d’air tout de même, avec Edgar Morin. Pour lui, « ce qui meurt aujourd’hui, ce n’est pas la notion d’homme, mais une notion insulaire de l’homme, retranché de la nature et de sa propre nature ; ce qui va mourir, c’est l’auto-idolation de l’homme s’admirant dans l’image pompière de sa propre rationalité. » (Le paradigme perdu). Dans « Pour sortir du XX° siècle », il propose de partir de la propension au doute et du besoin de croyance, et, d’associer doute et croyance, incertitude et certitude, et donc sapiens et demens.

Ceci pour faire émerger une humanité, non donnée préalablement, soit ajouter un 4° terme mythique à son tryptique : individu

société espèce

Pour Edgar Morin, nous sommes toujours en âge de fer planétaire (4 naissances de l’homme : début d’hominisation, langage et première culture, homo sapiens et société archaïque, histoire), et il appelle une 5° naissance, qui ferait passer de l’espèce humaine à l’humanité (Terre Patrie). L’idée, bien sûr, c’est d’accroitre la complexité plutôt que la restreindre, ce qui passe par la reconnaissance de notre appartenance à la Terre (« notre solitude dans l’univers »), de notre enracinement dans la biosphère « la Terrez est une patrie en danger », de notre communauté de destin. « Alors que l’espèce humaine continue son aventure sous la menace de l’autodestruction, l’impératif est devenu : sauver l’humanité en la réalisant. » (7 savoirs nécessaires à l’éducation du futur).

On pourrait dire que nous avons envisagé les frontières de l’humain d’un point de vue esthétique (frontière esthétique).

Reste à l’envisager d’un point de vue éthique (frontière éthique). C’est passer des notions d’infra-humain, sur-humain, pré-humain ou post-humain, à la notion d’in-humain.

Pour voir tout de suite que le XX° siècle semble s’être surpassé, avec ses 2 guerres mondiales, ses guerres multi centrées permanentes, ses totalitarismes, ses génocides ; mais les siècles précédents s’étaient bien défendus (guerre de 30 ans, génocide indien, colonialisme, impérialisme, racisme…) !

Si on part de sapiens/demens, on voit bien que des atrocités sont humainement possibles. La question est alors : les organisations sociales les favorisent elles, ou sont-elles capables de les contenir, voire de les empêcher ?

Y a-t-il une limite au caractère « humain » du mal ? Ou faut-il concevoir le concept de mal absolu, pour évoquer ce qui s’est passé au XX° siècle ?

Hannah Arendt renverse, elle, le point de vue, en nous proposant le concept de « banalité du mal », pour dire que ces humains qui ont exécuté des actions in-humaines, n’étaient pas des monstres, mais des humains qui semblaient partager le non exercice de la faculté de penser (penser par soi-même, c.à.d. peut-être exercer la capacité, humaine, d’interprétation du monde).

Bien sûr, on voit la connexion avec les frontières esthétiques visées plus haut : ce monde de la banalité du mal est-il éloigné d’un monde (tel qu’on l’imagine) de robots et/ou de clones ? Est-il éloigné d’un monde de pré-humains (cf. La planète des singes) ? Quel est rapport des dieux au mal ? Les dieux grecs étaient d’une belle brutalité ; les dieux Hindous ne le cèdent en rien ; pour René Girard, seul le Christ résout la question de la violence (mimétique).

Du côté de l’animalité, on retrouve les interrogations sur cette frontière éthique : la part de cruauté existe-t-elle chez l’animal ? Est-elle chez l’humain l’expression de la « bête » en l’homme ? Ou, au contraire, serait-ce une propriété émergente, liée au développement du cerveau humain ou de la socialisation symbolique ?

A partir d’un crime (monstrueux ou non), deux positions se font face : comment la société a échoué à contenir la violence intrinsèque et « naturelle » de l’humain ? Versus quel est le contexte social, politique, inter-humain, qui a permis l’émergence de cette violence ?

Ce qui parait clair, c’est que le crime de masse et le génocide n’existent pas chez les animaux !

Peut-on dire que l’humain serait bordé d’un côté par la cruauté, de l’autre la banalité du mal, c.à.d. le crime potentiellement dénué de toute cruauté, voire de toute émotivité ? On se rapproche là de ce qui serait craint des robots, ou des clones, inquiétudes mise en scène par Asimov, chez ces humains suspicieux des robots, qu’ils imaginent échapper aux « lois de la robotique » (censées empêcher le crime chez ces êtres dénués de sensibilité) !

Peut-être pouvons-nous avancer que ce qui et in-humain, n’est pas tant ce qu’est susceptible de commettre l’humain, mais ce qu’on commet à l’humain, comment on traite l’humain. Sera alors in-humain, un crime qui porte sur l’humanité de la victime. C’est ce qui ressort, par ex., des témoignages de déportés en camp de concentration, ou de femmes victimes de viols collectifs (cf. les guerres récentes, avec meurtre de masse, tendances génocidaires en ex-Yougoslavie, au Ruanda…).

Là, nous pouvons retrouver Hannah Arendt, nous disant que dans le totalitarisme, « l’humain est devenu superflu ».

Le lien est alors à faire avec la notion de société de masse (où l’humanité dans l’humain n’est pas considérée comme une fin, mais comme un moyen au service de l’exercice d’un pouvoir), et l’antidote proposé par Arendt : soutenir toujours la pluralité (« l’humain n’existe qu’au pluriel »). Peut-être ceci n’est-il pas loin de ce que dit Von Foerster : « Agis de façon à augmenter le nombre de choix possibles ».

Pour travailler cette aporie « qu’est-ce que l’humain ? », j’ai proposé

3 déclinaisons : – le rituel

  • L’humour

  • L’herméneutique

Mais également 2 auteurs : – Edgar Morin

– Lucien Sève

Mais aussi 1 thème : – Homme / Femme (les humains ont un genre, les animaux un sexe, les robots ni l’un ni l’autre ?)

Enfin 2 sujets : – Identité et Altérité, Mal et Folie

– L’humain vu par la pensée chinoise

Et la reprise de la question : – Frontières de l’humain

Bibliographie

Rituel

Claude Levy-Strauss L’homme nu Plon 1971

Roland Barthes Mythologies le Seuil 1957, 2010

M. Griaule et G. Dieterlen Le renard pale Institut français d’ethnologie 1965

Nombreux films sur les rituels Dogons

Mircea Eliade Aspects du mythe Folio 1990

Le sacré et le profane Folio 1987

Briser le toit de la maison Gallimard essais 1986

Henri Atlan Le cristal et la fumée

Emmanuel Levinas Dieu, la mort et le temps Livre de poche 1995

Albert Camus Le mythe de Sisyphe

Humour

Bergson Le rire PUF 1940 Payot 2012

Sigmund Freud Le mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient Idées Gallimard 1983

R. Escarpit L’humour PUF 1960

AW Szafran et A Nysenhole Freud et le rire Metaillé 1994

Jankélévitch L’ironie PUF 1936, 1950,…

Humour et surprise en psychothérapie Cahiers Critiques de Thérapie Familiale et de Réseau De Boeck N° 39, 2007

Herméneutique

Paul Ricœur Le conflit des interprétations Seuil 1969

Michel Foucault Les mots et les choses Gallimard 1965

L’herméneutique du sujet Seuil 2001

Histoire de la sexualité T3 le souci de soi Gallimard 1984

Emmanuel Levinas Nouvelles lectures talmudiques Minuit 1996

Jean-Paul Sartre Les mots

Edgar Morin

Edgar Morin Le paradigme perdu, la nature humaine Points essais 1973

La méthode T5 Identité humaine

T6 Ethique

Lucien Sève

Lucien Sève Qu’est-ce que la personne humaine ? La dispute 2006

Penser avec Marx II L’homme La dispute 2008

Aliénation et émancipation La dispute 2012

Homme / Femme

Françoise Héritier Masculin Féminin Odile Jacob 2007

Homme Femme La construction de la différence Le Pommier 2012

Le sel de la vie Odile Jacob 2012

Une mère et sa fille Odile Jacob 1994

La différence des sexes Bayard 2010

Judith Butler Trouble dans le genre La découverte 2005

Ces corps qui comptent Ed Amsterdam Paris 2009

Défaire le genre Ed Amsterdam Paris 2006

Antigone, la parenté entre vie et mort EPEL 2003

Identité, Altérité, Mal, Folie

Emmanuel Levinas Autrement qu’être Livre de poche 1990

Altérité et transcendance Fata Morgana 1995

Fred Poche Penser avec Arendt et Levinas Ed de la critique sociale 1998

Hannah Arendt Eichmann à Jerusalem Folio 1991

Frédéric Gros Foucault et la folie PUF 1997

Michel Foucault Maladie mentale et psychologie PUF 1997

Gladys Swain Le sujet de la folie Calmann-Levy 1977

Pensée chinoise

François Julien L’écart et l’entre Galilée 2012

Nourrir sa vie Seuil 2005

Le détour et l’accès (Chine et Grèce) Grasset 1997

Frontières de l’humain

Sloterdijk La domestication de l’être 1001 nuits 2000

Les règles pour le parc humain 1001 nuits 1999

Y. Michaux Humain, inhumain, trop humain PUF 1983

Vercors Les animaux dénaturés Poche 1975

Judith Butler Humain – Inhumain Ed Amsterdam Paris 2005