Mésaventures de l’autorité

Mésaventures de l’Autorité

Le Petit Prince visite l’Astéroïde 325, Habité par un Roi. Quelques extraits :

« Puis-je m’asseoir ? S’enquit timidement le Petit Prince. Je t’ordonne de t’asseoir, lui répondit le Roi ».

« Car le Roi tenait essentiellement à ce que son Autorité fut respectée. Il ne tolérait pas la désobéissance. C’était un monarque absolu. Mais, comme il était très bon, il donnait des ordres raisonnables ».

« Le Petit Prince hésita, puis, avec un soupir, prit le départ…

Je te fais mon Ambassadeur, se hâta alors de crier le Roi

Il avait un grand air d’Autorité ».

Le Petit Prince

Antoine de Saint Exupéry

L’Elohim éprouve Abraham. Il lui dit « Abraham !» il dit « Me voici ». Il dit « Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Is’hac. Va pour toi en terre de Moryah. Là, monte le en holocauste sur l’un des monts que je te dirai… »

(Plus loin)

Abraham bâtit l’autel et prépare les bois. Il ligote Is’hac, son fils, et le met sur l’autel, au-dessus des bois

Abraham lance sa main et saisit le coutelas pour égorger son fils

L’Elohim (le messager de INVH Adonai) crie vers lui des ciels « Abraham ! Abraham ! » il dit  « Me voici ». Il dit « Ne lances pas ta main vers l’Adolescent, ne lui fais rien : oui, maintenant, je sais que toi, tu frémis d’Elohim ! Pour moi, tu n’as pas épargné ton fils, ton unique »…

Bible. Tora, Entête 22,17

Traduction A. Chouraqui

Mésaventures de l’Autorité

Comment peut-on encore parler d’Autorité (Latin : Auctoritas) dans un monde qui a connu la Shoah ? On voit bien que les digues qui maintenaient un monde commun (la fiction d’un monde commun ?), parmi lesquelles la question de l’Autorité, pour faire bref disons la question du Père, ont cédé, se sont rompues. L’exercice du pouvoir d’humains sur d’autres humains a atteint son infini dans l’horreur. Dès lors l’Autorité a disparu de la surface de la terre, engloutie au lieu de la Domination.

Comment survoler une histoire humaine de l’Autorité – sa naissance, sa vie, sa mort – et essayer de poser quelques lignes directrices pour notre avenir, c’est à dire pour notre action dans le monde ? Je vais vous demander de garder en mémoire quelques distinctions et de les laisser danser dans votre tête, autour de l’histoire que je vais raconter – fabriquer.

D’une part, distinction de trois Autorités :

– Autorité déontique (basée sur la Morale, ou l’Ethique) : Je commande ceci parce que c’est bien

– Autorité Epistémique (basée sur la Connaissance, le Savoir) : Je commande ceci parce que c’est vrai

– Autorité de Commandement (basée sur la position hiérarchique) : Je commande ceci parce que je suis le commandant dans cette situation.

D’autre part, distinction de deux instances

– Autorité au nom de…

– Et Autorité en son nom propre

selon que sa source est dans celui qui l’exerce, ou ailleurs (au-dessus, au-delà… : nous verrons que cela va de Dieu à la Main invisible du Marché).

NAISSANCE

La question qui se pose aux hommes depuis Platon est : comment donc faire obéir les autres hommes ? Les Grecs anciens en effet ne possèdent aucun concept pouvant exprimer ce qu’on a entendu ensuite par Autorité. Les affaires de la Cité – c’est à dire la Politique – sont réglées, entre égaux, par la Persuasion ; et les relations aux Etrangers sont réglées par la Violence. Les Grecs inventent la Démocratie (pluralité des opinions, exercice politique de la persuasion de l’autre, importance primordiale de la parole et de l’action, invention du Pardon et de la Promesse – retenons aussi ces deux mots-) mais sont régulièrement soumis à la Tyrannie : Le Tyran gouverne par la violence pure, s’occupe seul du domaine public, protégé par une garde armée, confinant ses sujets à leurs affaires privées, ce qui, pour les Grecs est l’abolition de la liberté, c’est-à-dire de la politique.

Les Romains répondront à la question de Platon (comment diriger, contraindre les hommes sans recourir aux moyens externes de la violence, sans doute par quelque chose qui a à voir avec l’idée de Vérité), en inventant l’Auctoritas. Ce qui compte, pour les Romains, c’est la Fondation initiale, et ils vénèrent Janus, déesse du commencement, mais aussi Minerve, déesse du souvenir. Ce qu’il faut faire, c’est augmenter (Augere, d’où vient Auctoritas) ce qu’a permis la Fondation, dont le souvenir augmente aussi la valeur de ce qui est au présent. Le monde politique romain se dessine alors sur un triptyque : Autorité, Religion et Tradition. Et, dans ce monde l’Auctoritas est complètement distincte du pouvoir (Potestas). Elle vient du passé (divin, philosophique, historique…) et ceux qui en sont dotés, ce sont les maiores (les ancêtres) et les patres (les patriciens, les pères, ceux qui ont reçu l’héritage la transmission depuis la Fondation).

VIE

Transportons-nous, si vous le voulez bien à la Renaissance. Brunelleschi, Donatello, Masaccio – Regardez deux reproductions de fresques de Masaccio, elles sont à la chapelle Brancacci à Firenze, et on voit deux postures d’Autorité, celle de Jésus et celle d’une femme – inventent la Perspective. Au tournant du XVIème siècle nous voyons apparaître, en actes, l’idée de Point de vue et l’éventualité donc de leur pluralité, et, en même temps, l’individu, à la fois celui qui est figuré sur le tableau et celui qui le signe dans un coin. Le Point de vue, c’est celui d’un homme – on dirait : un homme concret, réellement existant, confronté à d’autres hommes, avec d’autres points de vue. Cet homme là est un homme chrétien ; le regard possible de Dieu est supposé, mais ce n’est pas son point de vue qui est adopté sur le tableau, ni dans l’agencement d’une coupole ou d’une chapelle.

L’homme perceptif de la Renaissance réalise 11 siècles plus tard deux grands thèmes d’Augustin : l’homme, c’est ce qui permet que quelque chose commence, c’est ce qui peut faire du Neuf (initium ut esset, Creatus est homo, ante quem nullus fuit) ; l’homme est une créature temporelle, capable seule de mesurer le passé par le Souvenir, et l’avenir par l’Attente. L’Eglise Romaine est, évidemment, dans la continuité de la Rome Antique, par exemple elle garde l’Auctoritas et laisse la Potestas au pouvoir séculier ; et puis elle chante aussi une fondation (« tu es Pierre, et sur cette Pierre… ») ; elle se veut un instrument de stabilité politique par l’importance de la Tradition : Mais l’introduction par Augustin de l’Attente et du Neuf est en rupture avec l’homme Antique.

Alors, la Renaissance, c’est l’apogée de l’Autorité, ou plutôt des Autorités : se confrontent l’homme politique (autorité de commandement, par exemple Laurent le Magnifique), l’homme d’Eglise (autorité déontique, par exemple le Pape), le Savant (autorité épistémique par exemple Léonardo de Vinci). La Perspective illustre le clivage entre Autorité en son nom propre et Autorité au Nom de. Et, en même temps, son invention retrouve quelque chose de la pensée démocratique grecque, à double titre : pluralité des opinions par son caractère humain (et non divin) ; Pardon et Promesse par son caractère historique.

MORT

C’est l’expérience totalitaire qui marque la disparition de l’autorité. Il s’agit d’une expérience de domination totale ; produisant une organisation massive d’individus atomisés et isolés, privés de tout objectif politique et de toute solidarité de groupe (famille, classe sociale, par exemple) ; avec une terreur essentielle et essentiellement différente de la terreur des tyranies et dictatures (tous y sont soumis et pas seulement les opposants vrais ou supposés) ; comportant la croyance que tout est possible (les camps : il est possible d’exterminer scientifiquement les différences que ne veut ou ne peut abolir la massification de la Société). Dans la Totalité, l’Autorité en-son-nom-propre a disparu, il n’y a que l’autorité au-nom-de, et c’est au nom de lois Scientifiques (Loi de la Nature ou Loi de l’Histoire), prises à tort comme s’il s’agissait de Lois humaines, de Loi de Justice. Les trois Autorités n’en font qu’une qui réside dans le système et qui est tout à la fois de commandement, épistémique et déontique !

Mais si la Totalité, réalisant la Domination extrême, tue l’Autorité, elle se situe aussi dans un mouvement plus large, qui la rend possible, qui la précède, et lui survit. Ce mouvement, qu’on l’appelle société de masse, société de l’objet, société du travail, fait lentement un homme-présent à l’ombre de l’homme-perceptif à partir de la découverte des Amériques et de l’expansion progressive du capitalisme. Il se fait par l’adoption progressive d’une perspective unique, celle de l’homme (XY) blanc, bourgeois, dominateur, confondant son point de vue avec la Vérité et celle-ci avec le Bien. Son ordre moral s’impose à la femme, à l’ouvrier et au paysan exproprié, à l’indigène colonisé. Croyant réaliser l’Auctoritas romaine, il produit au XIXème un homme de masse qui « abandonne son individualité, sa peine et son inquiétude de vivre pour acquiescer à un fonctionnement hébété, tranquillisé et fonctionnel » (Arendt). Sept siècles après Christophe Colomb, l’effondrement de la Totalité soviétique emporte avec elle l’Autorité et réalise quasi complètement à la fois la marchandisation du monde et l’homme présent : comportement uniformisé d’êtres purement biologiques par abolition des distinctions entre les hommes ; disparition de la durabilité des objets du monde qui perd sa stabilité aux yeux des hommes ; expropriation de la terre et abolition de l’Espace ; réduction du temps au présent qui devient tyranique ; démission du Politique qui s’en remet à l’avis expertal. « Nul n’est censé ignorer la science ! » dit Changeux : Le Bien, le Vrai et le Commandé sont confondus, assignés à résidence dans un A.D.N. bientôt transparent et marchandisé, comme l’homme-présent, d’ailleurs. Face à la fragilité des affaires humaines, la Totalité monstrueuse comme la Totalité – Soft inventent la Maîtrise, peut être pour cette dernière car il y a eu des crimes sans Pardon (Shoah – Holocauste) et que la perte du Temps fait qu’il n’existe plus de tenue de promesse.

Du Psychiatre, et, de la question du Père, et du fils

Arrivé à ce point, la question, préalable, est : A quoi ça a servi, l’Autorité ? (Je ne parle pas de la Domination). Dit autrement : De quoi pensons nous souffrir aujourd’hui, à travers ce que nous observons des incivilités, des désobéissances, des irrespects ? Freud écrivait : ce dont nous souffrons – ce « malaise dans la civilisation » – c’est de devoir renoncer (renoncer aux buts et objets pulsionnels infantiles). Osons une hypothèse : ce dont nous souffrons aujourd’hui, c’est de ne pas renoncer ! De ne pas renoncer à une position d’enfant.

Qu’est ce que cette Loi Humaine, que les régimes totalitaires ont remplacés par des lois scientistes ? : En terme d’interdits : l’Inceste et le Parricide ; en terme de prescription : une forme quelconque d’exogamie. C’est toute une Institution, qui suppose pour chacun une part de sacrifice (celle de l’union-identification à une mère primitive). Par-là, les générations sont à la fois reliées symboliquement (filiation) et différenciées quant aux places de chacun. Le sacrifice est en quelque sorte à double détente : enfant, de l’union à la mère ; puis adulte, d’une position d’enfant afin de (la) transmettre. Il permet la permutation symbolique des générations : un fils devient un Père en réalisant que son Père était (aussi) un fils. Au-delà, c’est la condition que ne soit pas sacrifiée l’arrivée dans le monde d’une autre nouvelle génération. Cette Loi Humaine, est équivalente à la Raison comme capacité en même temps de poursuivre (l’humanité) et de faire Naître, donc de faire du Neuf, qui n’aura pas existé avant. Cette Raison, cette Loi Humaine, appelons là aussi Tiers Social, Fonction Paternelle, Référence Absolue, comme on voudra, elle est mythique, ne se situe nulle part précisément.

C’est au nom de cette Référence qu’Abraham, en se sacrifiant pas Ishac, se sacrifie comme enfant pour devenir un père, père d’un fils, qui pourra, à son tour devenir père.

Elle était représentée dans la famille par le Père, et dans la société par l’Auctoritas. Cette référence, ce Tiers Social nous arrache à la fascination de l’image de Soi, à l’exclusivité narcissique. C’est un forçage, ce ne se fait pas tout seul. Les Romains l’avaient compris qui disaient « ex patre natus » : Etre né du Père ce qui n’a rien d’évident, ce qui suppose qu’on y croit, au Père, et qu’on y croit comme à une croyance, c’est à dire sans certitude matérielle). Pour qu’elle reste vivante et mythique, il importe que le Bien, le Vrai et le Commandé restent distincts.

Le psychiatre, l’aliéniste avant lui, mais aussi le psychanalyste, rencontre depuis toujours des adultes qui n’ont pas renoncé à une position d’enfant. Aujourd’hui ces adultes-là disent : « ça me prend la tête » ou « je pète un plomb », comme des adolescents, d’ailleurs ; ils sont dans un monde qui a perdu la prescription de ce renoncement (et c’est lié à cette société de l’objet, à cette tyrannie du présent). Ils balancent entre une « dépression » et «une « addiction » (Alcool, Toxiques, Anorexie…) comme ils balançaient entre une « Névrose » et une « Psychose » lorsque le monde prescrivait ce renoncement.

Nous sommes d’autant plus nombreux à être candidat au ratage du renoncement qu’il n’est plus prescriptible par le Tiers Social. Et nous considérons comme crime monstrueux et exemplaire la pédophilie et l’inceste, là où autrefois régnait le parricide. Le Parricide fascinait nos anciens ; c’était la version criminelle, monstrueuse et psychopathologique de la révolte toujours rêvée, contre l’Autorité. Le Pédophile, l’Incestueux, l’ont aujourd’hui remplacé ; c’est la version criminelle, monstrueuse et psychopathologique de notre commun non-renoncement à une position d’enfant.

Le psychiatre, dans l’exercice de son art, se pose la question de « l’observance ». Est-ce que ma prescription a été, est, ou va être suivie ? Comment cette question est elle traitée ? Comment l’observance – autre nom pour obéissance – est-elle obtenue ?

Pendant très longtemps le psychiatre s’est réclamé de l’Autorité du Médecin. Platon dispose du modèle et de la figure du Médecin quand il cherche quelque chose qui ait un rapport à la Vérité et qui se situe entre Persuasion et Violence. C’est aussi un de ceux qu’utiliseront les romains pour inventer l’Auctoritas.

Mais, jusqu’à la seconde guerre mondiale, le psychiatre exerce dans un univers de type concentrationnaire, l’asile d’aliénés, (société totalitaire en miniature), une Domination sur le malade qui non seulement ne peut s’y soustraire, mais dont les efforts qu’il ferait pour cela sont disqualifiés, annulés, lus comme signes qu’il doit bien être soumis à Domination (totale, donc).

Le psychiatre du monde-présent est, lui, appelé à se cacher derrière un protocole décrivant des méthodes scientifiques pour lutter contre l’inobservance de personnes malades que leur état est censé empêcher de valablement consentir à leurs soins. (c’est là qu’on retrouve le « Nul ne peut ignorer la Science ») Engloutie dans la lutte contre l’expérience asilaire de la Domination, l’Autorité a laissé la place à une maîtrise par l’évidence d’un contrôle social ubiquitaire sur un homme-malade devenu transparent. L’obligation de consentir réalise la synthèse moderne de la maîtrise de soi et du gouvernement d’Autrui !

Pistes pour demain ; Que faire ?

  1. L’autorité a donc disparu ! c’était une figure historique ; elle ne reviendra pas. Comment soutenir alors la Loi Humaine, par quels montages institutionnels faire Tiers Social ?

Disons tout d’abord que le retour à un ordre répressif ne sert à rien. D’abord parce qu’on ne peut raisonner comme si le XXème siècle n’avait pas existé ! Ensuite parce qu’on a sous les yeux, dans le monde, de tels retours : A chaque fois on a l’oppression-domination et l’incivilité plus ou moins totale. La désobéissance s’y installe comme mode d’organisation sociale (Ex : la Russie). L’enquête « Nike », récemment publiée, montre les effets terribles d’une conjonction – en Indonésie – tout-à-fait moderne, entre capitalisme et domination tyrannique, ici au nom de l’Islam : Dieu et le Marché main dans la main, visible et invisible !

  1. C’est par des mœurs communes et non par des règles contraignantes que peuvent se caractériser des montages institutionnels qui ne soient pas la répétition de la Domination. Ce qu’Hanna Arendt appelle « Pouvoir-en-commun » suppose la mise en commun des Actes et des Paroles par des égaux potentiels, par des citoyens porteurs d’une infinité de points de vue. Le Tiers Social est inclus dans la pluralité. (Il ne sera jamais Un visage ; il permet à chacun de se voir soi-même comme un autre parmi les autres ; il repose sur l’indétermination avouée quant aux fondements du Pouvoir, de la Loi, du Savoir…) C’est la Démocratie-Jusqu’au bout, avec son éthique de l’argumentation. La Démocratie représentative par délégation en est une version tronquée, compatible avec la totalité-soft de la société de masse. Sont nécessaires toutes les formes développées dans la moindre des institutions de démocratie participative : démocratie de proximité et démocratie sociale. Par là, on renoue avec quelque chose des Grecs anciens, pré-Socratiques, et de la Renaissance, mais avec cette idée qu’il n’y a que des égaux potentiels. L’égalité est au cœur de la Loi Humaine. (Notons qu’elle suppose une séparation entre un espace public totalement visible et un monde privé protégé par une certaine opacité).

C’est une société historique par excellence. Elle s’oppose à la fois à l’éloignement de l’horizon d’attente devenu pure utopie après les totalitarismes et à la transformation de l’espace d’expériences en un dépôt mort de traditions (Ricoeur). Elle assume les conséquences de ses actes (principe responsabilité de Hans Jonas). Rapprocher les attentes par une action stratégique faite vers le souhaitable est le sens de « Grains de Sables » dans la Totalité-soft, comme l’association ATTAC, mais aussi de mouvements de droits de l’homme. Libérer les potentialités inemployées du passé est le sens de l’histoire critique, de la permanence de sa mise en Récits.

C’est la capacité effective de changer quelque chose dans le monde, de faire du neuf : capacité d’initiative, donc possibilité de Promettre et de Pardonner.

Le travail de la psychothérapie institutionnelle, dans nos établissements psychiatriques, mais pas seulement, c’est cela : Exercice de la responsabilité opérante et exercice de la Parole libre.

Pouvoir-en-commun : donc séparation du Bien, du Vrai et du commandé.

  1. Venons en à la famille. Lorsque l’Autorité existait dans la société comme représentant de la Loi Humaine, son équivalent dans la famille était donc le Père. Ceci reposait, bien sûr, sur une inégalité et une domination des parents sur les enfants, mais aussi et surtout de l’homme sur la femme ; certes un peu moins dans la famille P.M.E. (Papa, Maman, Enfants) que dans la famille Patriarcale ; mais tout de même, on sait bien qu’il était dit des femmes dominantes qu’elle « portaient la culotte » (ce qui renvoie à l’état de fiction commode pour la domination masculine l’idée de matriarcat sous nos climats). Les familles aujourd’hui sont multiples ; or ce que nous ont appris les thérapies familiales c’est qu’elles se valent : bi-parentale, monoparentale, homo-parentale, pluriparentale, toutes peuvent ou non favoriser les ratages privés de la permutation des générations (ce sont ceux que voient les thérapeutes familiaux).

Au fond, dans la famille, ce qui est là, d’abord, c’est l’égalité dans le couple. Et à partir de là, c’est au Couple, lui-même, quelle que soit sa forme concrête dans telle ou telle famille, à qui revient d’incarner la Loi Humaine, soit ce renoncement à une position d’enfant pour la transmettre. Comme, et mieux que, « Le Père », et à la différence de la famille qui croise son existence culturelle avec la biologie de la fécondation, le couple est une forme purement construite du lien social. C’est en cela qu’il est la meilleure défense contre la Pulsion de Mort (Lemaire). C’est aussi qu’il mêle hasard et prédestination dans sa constitution marquée par une contrainte au choix à la fois intrapsychique et sociologique.

On peut saisir l’intérêt de la pratique de Mara Selini avec les familles ayant de gros ratages de la permutation des générations (psychoses, violences, anorexie), consistant à travailler avec le couple parental. On voit aussi l’intérêt des Thérapies de Couple, à condition que le Thérapeute décide de le voir, ce couple, qui n’est précisément nulle part dans les deux individus qui l’ont fabriqué.

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Pour conclure, je vous propose de fêter, finalement, cette mort de l’Autorité ; et de substituer au système fait d’Auctoritas dans la société et du Père dans la famille, un système fait de Pouvoir-en-commun et du Couple, pour représenter notre vieille Loi Humaine : Poursuivre l’humanité et faire naître du neuf.

   
 

AUCTORITAS

+

PERE

AUTORITE

       

POUVOIR-EN-COMMUN

+

COUPLE

?

BIBLIOGRAPHIE

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P. LEGENDRE Le Crime du Caporal Lortie-Leçons VIII

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Manière de Voir N°56 Le Monde Diplomatique

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Points Essais

Le Seuil 1990

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Points Essais Le Seuil 1991

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